La croissance par fusions/acquisitions est-elle la meilleure ?(1998)

                        François Jeulin

I. Les avantages stratégiques de la croissance par fusions-acquisitions
1. Du fait des caractéristiques du marché
  • Marché saturé
  • Marché protégé
  • Marché à actifs difficilement accessibles
2. Du fait des caractéristiques de l’entreprise
  • Possibilités d’économies d’intégration
  • Carences
  • Besoin de protections
  • Neutralisation d’un concurrent
  • Développement sur un marché différent du marché de base
II. Les risques d’échec
1. Un bilan globalement négatif
  • La notion de création de valeur
  • Echec de 61% des fusions-acquisitions
2. Les raisons
  • Prévisions trop optimistes
  • Prix payé excessif
  • Mise en œuvre difficile de la fusion
  • Les facteurs psychologiques
Pour en savoir plus :
Jean-Pierre DETRI(dir.), Strategor, Politique générale de l’entreprise. Paris : Dunod, 1997. 551p.
Tom COPELAND, Tim KOLLER, Jack MURRIN, La stratégie de la valeur. Paris : InterEditions, 1991. 435 p.
Corps de l'exposé (reprise partielle de mes notes, d'où des tournures plutôt orales...)

Intro : Les entreprises vivent dans un contexte de concurrence. Une concurrence de plus en plus exhacerbée et une concurrence souvent mondiale. Pour faire face nombre d'entre elles n'ont d'autre choix que de croître. ceci dans le but de réalier des économies d'échelle ou d'obtenir un réel pouvoir sur le marché. Sur des marchés en pleine mondialisation, la survie des entreprise passe donc par leur croissance.
L'actualité récente montre qu'elles sont nombreuses à choisir la voie de la croissance externe (tout récemment UBS et SBS). La croissance par fusions-acquisitions est-elle donc la meilleure ?
Nous examinerons tout d'abord les avantages en matière de stratégie que comporte la stratégie de croissance par fusion-acquisition, selon les marchés, et les caractéritiques de l'entreprise. Nous verrons ensuite les risque d'échec que soulève ce type de croissance.

I. Les avantages stratégiques de la croissance par fusions-acquisitions

Avant de rentrer dans le détail des avantages, il est bien évident que le premier de tous est la rapidité : la croissance par fusion-acquisition permet de croitre bien plus rapidement qu'une simple croissance interne.

1. Du fait des caractéristiques du marché

Marché saturé
Lorsqu’une industrie arrive à maturité, pour éviter des surcapacités, le meilleur moyen de croître est d’acquérir un concurrent. La croissance interne sur un marché saturé aurait pour seule conséquence d’entraîner une érosion des prix de vente et donc des marges. Sur ce type de marché, la croissance externe est quasiment un passage obligé et permet de rationaliser le secteur.

Marché protégé

    • Marché étranger : sur un marché étranger, il peut être plus intéressant de racheter une entreprise nationale plutôt que de sa lancer dans une politique d’investissements pour développer des capacités de production et surtout tisser un réseau commercial. C’est ainsi que toutes les implantations par croissance interne des constructeurs automobiles français (Peugeot et Renault) au Japon ou aux Etats Unis se sont soldés par un échec [Adendum 1999 : depuis cet exposé, le développement international de Renault, passant par la reprise de Nissan montre bien que c’est la startégie de croissnace externe qui est privilégiée sur ce type de marchés]. A l’inverse, Michelin a racheté Uniroyal aux Etats Unis pour se développer sur ce marché (et représente maintenant 30% des commandes de pneumatique de General Motors)
    • Marché dont l’extension est bloquée pour des raisons réglementaires : ainsi en France les lois Galland et Royer limitent l’ouverture des grandes surfaces ; pour se développer à grande échelle sur ce marché, la seule possibilité est donc de racheter un concurrent (comme le montre la bataille actuelle Promodès-Casino-Rallye) [Adendum 1999 :La recherche par Wal Mart d’une proie en France pour se développer suit le même principe]
Marché à actifs difficilement accessibles
C’est le cas lorsqu’il faut bénéficier d’une technologie, d’un savoir faire, d’une marque prestigieuse.
Dans le cas des technologies, si le principe de l’acquisition est souvent répandue (en témoigne les nombreux rachats de Start-ups par Microsoft), elle n’est cependant pas obligatoire : une alliance peut permettre de partager des technologies. Cependant dans le domaine du luxe, une création ex-nihilo est très difficile et le risque d’échec élevé. Dans ce cas il vaut mieux acheter une maison jouissant d’une bonne image ainsi que d’une bonne expérience plutôt que de croître de façon interne.

Marché nouveau
Pour la création d’une demande captive et le blocage de l’entrée d’autres acteurs, la croissance par acquisition peut être la seule solution. Ainsi Sony et Matsushita ont racheté les studios Columbia et Universal pour imposer leur standard TVHD face au standard HDMAC européen. En acquérant ainsi un énorme catalogue de films, ils étouffaient dans l’œuf le standard HDMAC qui se retrouvait privé de matière première (les films)

2. Du fait des caractéristiques de l’entreprise

Pour des raisons de structure
Losrque l'entreprise a les moyens économiques d'une intégration technique. Il peut, selon les secteurs, être intéressant d'absorber un fournisseur, un sous traitant ou même un client. Le but de ce type d'absorption est une meilleure gestion des coûts, l'amélioration des flux tendus, la diminution des risques, etc...
Ainsi dans le domaine de la sidérurgie on est passé d'un processus de production où l'on commençait par la production d'acier puis le laminage à un processus où la production d'acier et le laminage se produisent en continu, ce qui permet d'énorme gaisn de productivité.

Pour combler des carences
En cas de retard technologique, ou de problèmes de ressources humaines (c'est à dire une pénurie de ressources rares : c'est le cas par exemple en ce moment en informatique ou dans le domaine du conseil en management), le plus rapide pour l'entreprise consiste en un rachat.

Par protection
C’est le principe de grossir pour éviter d’être soi même absorbé. L’élargissement de la surface financière rend une OPA hostile plus difficile. C’est le problème de nombreuses entreprises françaises. C’était en particulier l’une des raisons de la création de LVMH

Neutralisation
On rachète une entreprise pour bloquer un concurrent. Ainsi Fiat avait à l’origine acheté Alpha Roméo pour bloquer Ford qui sinon l’aurait acheté et s’en serrait servi comme tête de pont pour entrer en Italie.

Développement sur un marché différent du marché de base
Il est toujours plu facile dans un tel cas de racheter une entreprise plutôt que de partir de zéro. Ainsi Tonna a été racheté par Canal + pour produire des antennes satellites (l’intérêt pour Canal étant de faire baisser au maximum le prix des antennes pour promouvoir la télévision par satellite)

La croissance par fusion acquisitions est donc une arme intéressante lorsqu’on en a les moyens (c’est à dire un trésor de guerre ou que les taux d’intérêt sont particulièrement bas) Est-ce pour autant un moyen efficace ?

II. Les risques d’échec
1. Un bilan globalement négatif

La croissance par fusions acquisition confère de nombreux avantages stratégiques. Cependant quels sont les critères permettant de dire que c’est une réussite ou pas ?
La création de valeur pour l’actionnaire
Ce qui intéresse l’actionnaire, ça n’est pas directement le CA, les parts de marché de l’entreprise, mais ce qu’elle lui rapporte. La fusion ou l’acquisition doit donc être créatrice de valeur pour l’actionnaire. c’est à dire que le résultat après impôt calculé en % des capitaux propres consacrés à l’acquisition doit être supérieur au coût d’opportunité de ceux-ci; on l’a bien vu, Bernard Arnaud s’est même déplacé jusqu’en Grande Bretagne pour essayer de démontrer que la fusion Grand Met et Guiness serait destructrice de valeur. [Adendum 1999 : la création de valeur est également au cœur e l’affrontement Société Générale-BNP autour de Paribas]
Une étude Mc Kinsey montre, au regard de ce critère, que dans 61% des cas les fusions sont des échecs.

On note de plus que pour beaucoup d’entreprises, leurs marges se dégradent.

Quelles en sont les raisons ?

2. Les raisons

Si une fusion est un échec, c'est qu'on n'a pas réussi à créer de la valeur; Suivant le Strartégor, les sources de création de valeur sont les suivantes :


  Dans le cas plus particulier des fusions, trois facteurs principaux peuent conduire à l'échec :

    • Des prévisions trop optimistes
    • Un prix payé excessif
    • Une mise en oeuvre difficile de la fusion
      • du fait de la résistance des salariés
      • du fait de la fuite de personnes stratégiques
      • du fait de difficultées à mettre en oeuvre des synergies.
      Généralement les fusions les plus difficiles sont les fusions à égalité, alors que les fusions par absorption pure et simple ont davantage de chance de réussir.
Le travail d'analyse de la cible et des synergies possibles revêt donc une importance capitale.
Un deuxième problème crucial qui peut se poser est d'ordre psychologique. Les dirigeants sont des managers, pas les propriétaires du capital. On court donc le risque d'un conflit d'intérêt, entre l'activité des managers et l'intérêt des actionnaires, par exemple dans le cas de:
    • diversification "à la légère", pour diminuer les risques de faillite (en constituant ainsi une sorte de portefeuille d'activités)
    • de rachat d'entreprises fortement bénéficiaires pour masquer des résultats médiocres
Le dirigeant peut également être tenté par la recherche de prestige au cours d'une bataille boursière, et se laisse emporter à une surenchère qui pourrait être nuisible à l'entreprise (on veut à tout prix gagner, ce qui entraîne une flambée des prix. Adendum 99 : c'est en partie ce à quoi on assiste dans la bataille SG-BNP-Paribas, ou encore le conflit Elf-Total Fina)
Enfin pour se protéger contre le risque d'OPA, il peut également se lancer dans une croissnace désordonnée, là encore nuisible à la création de valeur.
Il faut donc éviter des décisions stratégiques où ne préside pas la création d evaleur. L'ensemble des possibilités de croissance et de stratégie que donnent les fusions acquisitions ne doivent pas faire oublier que l'objectif est la création de valeur.
 
Concl: Les fusions acquisitions permettent la croissance rapide d'une entreprise. Surtout si elle dispose d'un trésor de guerre, que les taux d'intérêts sont bas et/ou les cours de bourse élevés. Elles constituent donc un moyen de croissance. mais il ne faut pas oublier que l'objectif n'est pas la croissance en soi, mais la création de valeur. Dans de nombreux cas, les fusions acquisitions ont conduit à une perte de valeur. Il s'agit donc d'une discipline très pointue qui nécessite une très bonne analyse de la situation du marché, de l'entreprise cible et de l'acquéreur (en cas d'acquisition) ainsi que des synergies qu'il sera possible de dégager. Les fusions acquisitions ne repréentent donc aps le meilleur moyen de croissance pour tout le monde et dans n'importe quelle situation.
 
       
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