L’Europe de la Défense est-elle enfin possible ?(1997)
François Jeulin
I. A l’ombre du grand frère américain
1. Une Europe résolument Atlantiste
Le contexte
Attitude de la France
2. Cependant cela ne satisfait personne
Coût pour les Etats Unis
Risque pour l’Europe
II. L’écroulement de l’Est : un bouleversement de la donne.
1. Une divergence de stratégie logique
L’ U.E.O. et l’Eurocorps
Les traités et déclarations
2. Un consensus de façade avec l’OTAN
Rapprochement France-OTAN
Accords Europe-OTAN
Bibliographie commentée :
  • Frédéric BOZO, Pierre MELANDRI, Maurice VAISSE (Ed.) La France et l’OTAN, 1949-1946. Bruxelles : Fayard,1996.

  • C’est le compte-rendu d’un colloque. Un livre très complet sur la question des relations France OTAN. Il développe aussi les concepts et enjeux de la défense européenne pour la France.
  • Léon SAUR, Dix années de sécurité et de défense : esquisse de bilan et essai de perspectives. Revue Politique, 1990,p. 77-113.

  • Un bilan intéressant qui met essentiellement en avant les décision et initiatives politiques prises par les différent états européens en matière d’Europe de la Défense.
  • Pierre MELANDRI, Atlantique (Alliance) in Encyplopedia Universalis. Paris, 1993. Vol 3.

  • Très intéressant en ce qui concerne les enjeux de la défense européenne après la chute du mur de Berlin. Il soulève les problèmes qui se posent maintenant à l’OTAN.
  • Philippe VIAL, " Alliance atlantique " in Jean-François SIRINELLI, Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe siècle. Paris : PUF, 1995,p.17-24.

  • Incontournable pour les aspects de politique intérieure française des liens France-OTAN, ainsi que sur le décalage de la réalité de ces liens avec la perception que nous en avons.
  • Eric REMACLE, Esquisse pour un nouveau paysage européen. New York : Nations Unies, 1990. 174 p.

  • Assez complexe et touffu. C’est un travail de recherche qui date maintenant mais qui permet de se faire une bonne idée des enjeux du moment, autour de la sécurité en Europe et du rôle de la CSCE en particulier.
  • Georges - Francis SEINGRIS, Annuaire des Institutions de l’Union Européenne. Bruxelles : éditions Delta, 15e édition 1997. 648 p.

  • Particulièrement utile pour étudier l’évolution de l’U.E.O. depuis sa création.
  • François MITTERAND, Jean François BEAU(Ed.), Jean-Christophe Ulmer(Ed.) Discours : 1981-1995. Paris : Europolis,1995. 563p.

  • Pour ceux qui voudraient lire le discours au Bundestag en entier.
Corps de l'exposé (reprise partielle de mes notes, d'où des tournures plutôt orales...) :

Intro : Avec l'approche de la monnaie unique, on débat actuellement sur l'opportunité d'une Europe qui ne soit pas seulement une Europe de la Finance, mais aussi une Europe politique. Or pour qu'une entité politique soit réellement crédible et autonome, il lui faut une défense qui lui soit propre. C'est un terrant glissant. L'échec retentissant de la CED a montré que l'établissement d'une Europe de la défense n'était pas une tache facile. Et le traumatisme de cet échec a gelé bien des initiatives en matière de défense commune.
L'Europe de la Défense est-elle (enfin !) possible ?
Il s'agit d'abord de bien saisir ce qu'on entend par Europe de la défense. Il s'agit de bien plus qu"une simple coordiantion d'armées nationales. L'Europe de la défense c'est la création d'un bras armé opérationel, indépendant et agissant au nom de l'Europe.
De quelle Europe ? Dans un premier temps au moins le noyeau constitué par l'Union Européenne. Pour étudier les idées et les réalisations en matière d'Europe de la défense, on doit s'intéresser à la défense de l'Europe (ce qui est différent d'une idée d'Europe de la défense : la défense de l'Europe, historiquement, n'implique pas une Europe de la défense). Et pour cela il faut bien tenir compte de l'évènement majeur de la fin du XXe siècle en terme de startégie : l'effondrement de l'URSS et la fin du pacte de Varsovie.
Je vasi donc développer dans un premier temps l'Europe à l'ombre de la protection du grand frère américain (c'est à dire l'Europe d'avant les années 90). On verra que l'Europe est résolument Atlantiste. Mais que cete situation ne satisfait personne. Dans un deuxième temps, on s'intéressera à la conception de l'Europe de la défense à la suite de l'effondrement à l'Est. On constatera le contraste entre d'une part la divergence profonde de conception entre le pôle USA-GB et la France et l'Allemagne, et d'autre part la volonté commune affichée.

I. A l’ombre du grand frère américain

1. Une Europe résolument Atlantiste

Pourquoi ? Tout d'abord parceque l'Europe n'avait pas le choix. Il y avait un véritable déséquilibre nucléaire avec l'Est. IL y avait donc une véritable nécessité d'un géant producteur : les Etats Unis. La défense de l'Europe, c'est donc l'OTAN.
Même la France est sous la protection américaine. C'est important car c'est la seule puissance occidentale de taille qui n'appartienne pas à l'OTAN. Sous le septenat de M. Mitterand la coopération est plus intense que jamais :

    • le conseil de l'alliance a lieu à Paris en juin 83 (c'est la première fois depuis 1966).
    • début 1989 la France participe en Mediterranée à des exercices avec la 9e flotte américaine.
Il s'agit d'ailleurs même davantage que de la coopération : on pousse l'Europe dans les bras américains. En témoigne le célèbre discours de F. Mitterand au Bundestag, qui est un véritable plaidoyer en faveur ds missiles Pershing américains (INF). Il ne faut tout de même pas oublier qu'il s'agit d'un président socialiste !! Mitterand fera aussi un discours à l'IHEDN en octobre 1988 où il affirme :
    • parmi les Alliers, la France et les Etats Unis sont les plus proches
    • une alternative européenne à l'OTAn ne pourrait pas fonctionner.
Il y a donc un véritable consensus Atlantiste. Tous les alliers sont unis face à l'ennemi car il n'y a pas d'alternative possible. Le Leadership américain est incontesté

2. Mais qui ne satisfait personne

USA
Le coût pour les Etats Unis est élevé, alors même qu'ils font face à un grave déficit. Dans le même temps l'opinion publique penche davantage pour une attitude non interventioniste qu'une démarche volontaire.
Il y a donc du côté américain la tentation d'un allègement du dispositif. On voudrait que l'Europe s'organise

Europe
L'Europe de son côté souffre de son manque d'autonomie et dépend entièrement de la bonne volonté américaine. cela la conduit à réactiver en 1984 à Rome l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) qui périclitait.
Les craintes de l'Europe provenaient d'alertes :

    • l'IDS américaine (appelée aussi programme "guerre des étoiles") : l'Europe craignait un retrait derrière la "forteresse Amérique"
    • Le sommet de Rekjavick (1986) où ls Etats Unis et l'URSS avaient envisagé l'option zéro sasn aucune concertation préalable des alliés européens.
D'où une certaine panique du côté européen avec la peur d'être oublié par l'Amérique.
En réaction à ces craintes naîtra la brigade Franco-Allemande sur la proposition d'Helmut Kohl le 19 juin 1987 (la brigade naîtra en 1988). Et le 27 octobre 1987 sera crée une plate forme sur les intérêts européens en matière de sécurité pour définir la politique de sécurité de l'UEO.

Donc, l'Europe est Atlantiste et il n'y a pas de réelle Europe de la défense : cela n'est pas possible ni envisageable à cause du bloc de l'Est. mais cette situation n'arrange personne car cela suppose un gros effort de la part des Etats Unis, sans pour autant dissiper les craintes européennes.

II. L’écroulement de l’Est : un bouleversement de la donne.
Avec l'écroulement du bloc de l'Est (fin du pacte de Varsovie en 1991), il n'y a plus d'ennemi. On compte alors bien toucher les dividendes de la paix, ce qui conduit à un allègement du dispositif américain.

1. Une divergence de stratégie logique

Le couple USA-GB s'oppose à la France, l'Allemagne, la Belgique...
Le constat Français est simple : il n'y a pas de raison qu'à contribution moindre, les Etats Unis gardent le rôle de leader
La France et l'Allemagne sont en faveur d'une UEO comme bras armé de l'Europe, hors de l'OTAN. Il s'agit bien de l'idée d'une Europe de la défense. Pour autant les deux pays ne sont pas pressés : au sommet Franco-Allemand de 1990 l'idée est présentée comme désirable, mais pour les deux pays, l'Union politique doit d'abord être réalisée.
Ce faisant, la France est poussée par deux motivations :

    • canaliser une Allemagne réunifiée
    • obéir au vieux mythe Gaullien de l'indépendance
Il se constitue avec l'Eurocorps (35 000 hommes) un embryon opérationel de défense.
Le traité de Maastricht consacre alors l'UEO comme la composante de défense de l'Union Européenne. Il y a une véritable institutionalisation de l'UEO. Pour avoir un rôle opérattionel il faut que l'UEO s'ouvre aux membres qui appartiennent à la Communauté Européenne, mais qui ne sont pas membres de l'UEO. On envisage alors une véritable Politique Européenne de Sécurité (PESC)
La déclaration de Petersberg (juin 92) renforce le rôle opérationnel de l'UEO et propose l'élargissement aux Etats européens non membres de l'OTAN.
Cala se concrétise le 20 Novembre 1992 avec la déclaration de Rome : la Grêce entre dans l'UEO, le Danemark et l'Irlande devienennt observateurs. L'Islande, la Norvège et la Turquie deviennent membres associés.

Donc l'Europe développe un moyen opérationnel de défense, avec pour objectif l'indépendance de l'OTAN.

1. Dans le même temps, une volonté commune affichée

La chute du bloc soviétique n'a pas tout réglé : il reste de nombreux dangers... :

    • les pays du Sud
    • la balkanisation du mode
    • les fondamentalismes religieux
    • etc...
La nécessité de l'OTAN est donc soulignée par tous. Son éventuel élargissement est donc envisagé. Un accord de principe est trouvé sur la place d'un pilier européen au sein de l'OTAN. Un accord se dégage entre la France, l'Allemagne et l'OTAN.
En 1993 la France annonce sa pleine participation au comité militaire de l'OTAN et à d'autres instances intégrées.

Donc l'Europe de la défense est possible. Tout l'enjeu est de savoir comment on la conçoit. Comme composante de l'OTAN régnant sur un nouvel ordre mondial (comme le souhaitent la Grande Bretagne et les Etats Unis). Ou bien une institution indépendante qui collaborerait avec l'OTAN ?
L'impasse est due aux alliances du passé. On n'a pas tiré toutes les leçons de le fin de l'Est. Il y a un décalage entre la perception du rôle  l'OTAN et la réalité stratégique.

Concl : l'Europe de la défense ne pourrait s'envisager vraiment avant la chute du bloc de l'Est. Cette Europe était résolument Atlantiste, n'ayant pas d'autre choix. On envisageait tout au plus une coopération européenne plus poussée. La chute du mur est venue bouleverser la donne stratégique. Elle a à la fois servi et désservi l'Europe de la défense. Servi, car désormais l'OTAN ne semble plus indispensable. déservi, car arrivée trop tôt : la coopération euroopéenne n'était pas encore assez poussée.
Il s'est donc construit un consensus global autour d'un nouvel ordre mondial, sasn tirer les conséquences de  1989. Finalement on n'a pas été au bout de la logique de l'écroulement qui pouvait conduire à al fin de l'OTAN.
Tort ou raison ? La guerre en Yougoslavie a montré, avec l'intervention américaine appelée des voeux de tous, que l'Europe de la défense n'est aps encore prête à assumer la sécurité européenne. Les années 90 ont vu l'arrivée de facteurs permettant de constituer une véritable Europe de la défense. Encore faut-il une volonté politique commune. C'est bien ce qu'avait compris F. Mitterand en 1990 : l'Europe politique d'abord.

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